J’arrive à Tunis
Un charter a été réservé par l’armée pour nous conduire à Tunis.
Le vol est prévu en toute fin de soirée et nous arrivons à Tunis vers une heure du matin.
Un bus nous conduit dans un établissement scolaire où nous passons la nuit en dortoir.
Nous recevons la consigne de nous rendre au consulat, avenue de la liberté.
Chacun y reçoit un modeste package avec des recommandations, la convocation pour le lendemain au lycée où l’on est affecté et quelques dirhams.
Dossier en retard, comme d’habitude, aucun pécule n’est prévu pour moi.
Un fonctionnaire me donne de sa poche de quoi payer un taxi pour me rendre à la banque centrale où je pourrais échanger de l’argent.
Une vieille « quatre chevaux Renault » peinte en rouge et blanc, m’y conduit.
Je ne suis pas dépaysé par la voiture car papa a fait peindre sa « deux chevaux Citroën » en rouge et blanc, les couleurs du club de foot de Marboz !
Cependant, bien des choses me bousculent. Dans la file qui me conduit au guichet de la banque, je suis environ en 15ᵉ position et devant moi, le client a une maladie de peau qui lui dévore le visage. Il n’a plus de nez.
Ayant changé quelques francs pour des dinars, je ressens le besoin impératif de trouver à me loger avant le soir car mes faibles ressources ne sont pas compatibles avec l’hôtel. Au consulat, des offres de logement ou de chambres pour les coopérants sont affichées. Je tente ma chance à une adresse proche du lycée, dans une rue donnant sur l’avenue de Paris. Un couple de la soixantaine, ce que sociologiquement l’on appelle des petits blancs, propose une chambre. Je me risque à accepter.
La circulation en ville à pied m’offre des odeurs que je n’ai jamais encore rencontrées. Une odeur de fond de produit chimique, une odeur que j’assimile à celle d’un insecticide. Mais aussi la merveille des bouquets de fleurs de jasmin vendus au détour d’une rue.
Au rond-point qui scelle la fin de l’avenue de Paris et le début de l’avenue de la Liberté, je croise ma première boucherie. Les abats dégoulinants pendent aux esses et provoquent chez moi un rejet de toute nourriture autre que du lait et des grenades. Cela va durer quinze jours avant d’en venir aux multiples découvertes culinaires de ce pays magnifique.
Le soir, je me rends à mon logement. Mes hôtes sont là, lui mal rasé et elle en combinaison, révélant une blancheur et des rondeurs qui auraient inspiré Frédéric Dard.
Je lave ma chemise blanche et je la place sur un cintre que j’accroche à un clou qui dépasse sur le mur blanc. Le tissu humide adhère au revêtement qui se « desquame ».
Je ressens comme un sentiment d’insécurité.
Le lendemain matin, à la première heure, c’est-à-dire avant celle des propriétaires, je prends mes cliques et mes claques et décide de chercher ailleurs. Bien sûr que j’ai laissé un dédommagement sur la commode de la chambre.
Je me rends au lycée mixte de la rue de Marseille où je fais la connaissance de la directrice. Je vais passer des moments mémorables.
Je rencontre un coopérant qui est aussi nommé au lycée et qui a connaissance d’un logement rue de l’Inde. Je m’y rends et fait affaire avec la famille Ayoun. L’appartement me permettra d’accueillir mon épouse Suzette qui est restée en France, le temps nécessaire pour qu’elle repasse les épreuves de licence de géographie à la session de septembre.
Rue de l’Inde, Tunis.