Mon épouse, Suzette.
Suzette était une belle petite fille dont la blondeur scandinave était souvent soulignée par un kiki bien en vogue à l’époque.
Je raconte dans « Dis pépé raconte-nous une histoire de quand tu étais petit » les facteurs d’environnement sociaux qui ont conduit à notre première rencontre au début des années cinquante ?
À cette époque, bien que plus jeune d’une année, elle était plus grande que moi.
Dans un exercice d’écriture à la recherche de « JE », il serait indécent que je consacre les quelques lignes de ce « paragraphe » à des anecdotes.
Suzette ne peut se réduire à des anecdotes.
Diplômée de l’Institut de Géographie Alpine de Grenoble, elle avait accumulé une culture qui me faisait largement défaut. Je lui dois le bonheur d’avoir découvert la pensée de René Dumont et d’avoir pris conscience des problèmes de développement dans ce que l’on appelait le “Tiers-Monde”.
Elle était passionnée de peinture et son abonnement à une revue d’Arts Plastiques m’avait impressionné. J’ai pu me rendre compte, trop peu souvent d’ailleurs, qu’elle a de grandes dispositions pour la peinture.
D’aucuns pourra penser que dans une union qui dure depuis 55 ans dire que le rôle de l’épouse a été déterminant est une évidence. Non, ce n’était pas une évidence de ne pas paniquer à l’annonce de mon licenciement en 1981. Non, ce n’était pas une évidence d’accompagner d’un baiser le saut dans le vide que représentait la décision de créer notre première entreprise en 1982. Non, ce n’était pas une évidence de supporter la pression provoquée par la marche ascensionnelle qui suivit cette initiative. Avec plus de 1000 employés et 25 filiales dans le monde, il ne fallait pas rater une marche car la conséquence d’une chute aurait été d’autant plus irrémédiable. Non ce n’était pas une évidence de vivre les tentatives de prédation financières de 1992 sur l’entreprise, les postures désobligeantes de certains entrepreneurs et les gorges chaudes de la CGT. Non ce n’était pas une évidence de s’adapter au statut de femme du patron, lui-même en peine de s’adapter aux côtés bourgeois de la fonction.
Grâce à elle, les liens sociaux solides dans l’environnement de la paroisse et les engagements associatifs ont enrichi notre vie, au-delà de ce que peut apporter la seule activité professionnelle.
La reconnaissance que je dois à Suzette lui est certainement aussi accordée à leur manière par bien de nos amis et connaissances.
Je me rappelle cette confidence de ma maman. Elle était courtisée par le châtelain du village et elle avait choisi mon père, fils de Prospère Millet. Quelqu’un lui avait dit qu’elle avait du courage au cas où le fils aurait le caractère du père. Suzette n’était pas au courant de cette mise en garde!
« JE » et Suzette continuent à se dire plusieurs fois par semaine qu’ils sont bien ensemble.
Suzette et notre fils aîné Cyril à 5 mois.