Mon frère
Hervé est né le 12 décembre 1949. Nous avons donc environ quatre ans de différence. J’étais en primaire lorsqu’il était en maternelle, en pension, en cours complémentaire pendant qu’il était en primaire. Ce n’est qu’à partir de la sixième pour lui et de la seconde pour moi que nous nous sommes trouvés dans le même établissement, aux Lazaristes à Lyon. Le jour de la rentrée en 1960, mes parents nous ont donc laissés tous les deux 40, montée Saint-Barthélémy. Après avoir déposé nos affaires au dortoir, mon père eut un premier coup de spleen ; parole de maman sur le retour à Marboz, à la sortie de Lyon, il parlait encore de revenir nous reprendre.
Nous rentrions en Bresse quelques week-ends en prenant le car aux terreaux jusqu’à Bourg en Bresse où mon père venait nous chercher. Pour le retour, nous partions le lundi matin vers 5 heures avec la 2CV familiale pour qu’il soit de retour à Marboz dès huit heures. C’était jour de marché et les agriculteurs venaient nombreux au village.
J’avais intégré l’ECAM depuis un an, lorsque mes parents achetèrent une autre 2 CV Citroën qui nous donna une grande autonomie. Dès la fin des cours à 11 heures et demie, le samedi, nous prenions la route du bercail. En haut de la Montée des Soldats à Caluire, nous nous arrêtions systématiquement dans une épicerie-primeur pour acheter des oranges. Hervé les épluchait et nous étions encore en train de nous régaler en arrivant sur la longue ligne droite qui précède l’entrée de Villards les Dombes. Arrivés à la maison peu avant 13 heures, un beefsteak-frites-salade faisait toujours l’unanimité.
J’ai dit en parlant de mes parents tout ce qu’ils m’avaient donné sur le plan moral et sur le plan affectif. Mais l’achat de cette voiture fut pour moi très douloureux, car il était, en tous les cas c’est ce que je ressentais, disproportionné par rapport à leurs revenus. Dans le processus du don, il y a le donateur et le donataire. Selon ma théorie, le don se jauge à deux paramètres : le caractère libre ou non et le caractère désintéressé ou non, avec ces deux extrémités toutes les nuances. Pour que le don puisse être vertueux, il faut que le degré de liberté et le degré d’intéressement des deux parties soient voisin. Si ce n’est pas le cas, le don peut être douloureux, il peut même aller jusqu’à l’agonistique et préempter l’obligation du don en retour même si ce n’est pas pratiquement possible. Ce don fut pendant un certain temps une douleur.
En 1982, j’avais créé l’entreprise IMAJE. En 1986, nous avions élaboré un ambitieux plan de développement à l’exportation. Hervé trouva l’annonce publiée dans le journal le Monde. Nous cherchions un patron pour notre développement international. Il était alors responsable des ressources humaines pour le département cadres de l’entreprise Schlumberger. Ses prérogatives couvraient l’ensemble du bassin méditerranéen et on lui demandait de se séparer des cadres les plus âgés qui coûtaient trop cher, pour les remplacer par des plus jeunes donc, moins chers. Ce n’était pas conforme à son éthique personnelle. Il fit acte de candidature pour rejoindre IMAJE. Il fut expatrié pour l’entreprise pour diriger la zone Asie puis aux États-Unis pour diriger la filiale. Il est le fondateur de l’ONG ASAP (asap-foundation.org) qui officie au Burkina Faso, je suis très fier de mon frère avec lequel j’ai un échange téléphonique chaque semaine.
Hervé devant le puits à la ferme du Tremblay.