Pèlerinage à Lourdes

J’ai accompagné maman dans trois pèlerinages. 

Ils consistaient certainement en des démarches initiatiques pour elle, mais cela faisait sans doute partie de l’éducation par l’exemple qu’elle comptait me donner. 

Dans chaque cas, il s’agissait de déplacements en groupes. 

Nous sommes allés à Lourdes en train au départ de Bourg-en-Bresse. Nous avons voyagé de nuit. J’ai été frappé par le commerce de ces gourdes en matière plastique granuleuse blanches remplies d’eau de la grotte miraculeuse. L’approche de la maladie lorsque je fus bénévole brancardier pendant une matinée, l’idée de dévouement, l’idée d’espoir même devant la maladie, l’expression de la vie même porteuse de contraintes fortes m’ont évidemment touché. La découverte de maladies comme le mal de pot, la tuberculose osseuse et plus généralement tous les cas qui ont fait l’objet de guérison m’avait intéressé un peu comme on s’intéresse à des curiosités. 

Depuis, l’approfondissement de ma connaissance du vivant et la conviction que les guérisons constituent des expériences du domaine de la science plutôt que du domaine de la théologie et renvoient ainsi la théologie au domaine de la science, Dieu pouvant être une réalité ou une construction. Le laïc fait de Dieu une construction et le religieux fait de Dieu un dogme ce qui est aussi une construction. 

Nous sommes également allés à la Salette. Le voyage eut lieu en car, et la première découverte fut cette route étroite et sinueuse de montagne. Je n’en ai pas gardé d’autre souvenir. 

Nous sommes aussi allés à Ars en voiture, sur les pas du Saint curé.  

Chose étrange, je ne me rappelle que de la sobriété, de l’ascétisme, de la vie rude et de l’environnement qui allait avec. C’est comme s’il n’avait pas construit de basilique. C’est comme si la basilique était un signe de schizophrénie. Le curé d’Ars s’est ajouté par une transmission orale aux lectures que j’ai prisées des saints, voir des martyres dans les colonies, en Océanie, aux nouvelles Hébrides. La commune de Marboz avait aussi donné un modèle. 

Bien des années après, j’ai chiné un livre sur le curé d’Ars. Une hagiographie. Elle m’a enthousiasmé et fait peur en même temps. J’ai appris l’autoréférence, la circularité, ce par quoi le bien verse dans le mal car ce dernier est son ennemi. Elle m’a fait réaliser que la relation entre Jésus et le Christ faits du même support biologique tient à une vibration entre l’humain et l’Humain, entre l’homme processus en devenir et le devenir. Pour Jean-Marie Vianney et le dit Saint curé d’Ars, il en est de même et il serait illusoire de n’en faire qu’un saint car s’il le fut, il était avant tout homme. 

Les paroissiennes avec deux ados. Maman est la quatrième à partir de la droite. À ma gauche sur la photo, ma belle tante Édith.