La pension à Saint Louis
J’étais préparé depuis plus d’un an à l’idée qu’à 10 ans j’’allais quitter la maison pour aller en pension à Saint-Louis à Bourg-en-Bresse. Le cours complémentaire était tenu par les frères des écoles chrétiennes.
Parloir de maman une fois par semaine le mercredi. Bombons Krema et un billet de 5 francs.
Découverte de l’existence de meneurs, de « chefs de gangs, de potentiels harceleurs.
Besoins d’aller quand même à l’infirmerie quand la scarlatine ne veut pas s’intéresser à moi.
Rencontre avec ma poitrine et mon pubis d’un rasoir dérobé pour accélérer la formation des attributs de ma virilité.
Interrogations sur les préoccupations d’un enseignant frère des écoles chrétiennes. Il interpelle un élève en s’adressant à tous : « Arrêtez de vous gratter les gousses d’ail, vous mettez en danger votre capacité future de reproduction ».
Début des manifestations de mon goût pour le dessin. Première reconnaissance par le professeur de dessin qui en 5ème me donne des cours particuliers et m’associe à la création des décors pour une cérémonie religieuse liée à Noël. Notre réalisation fut très personnelle, loin des poncifs sylvestres. Il me fait découvrir Paul Klee. Un élève, Leonardi, me demande de lui créer sa signature. Il deviendra journaliste.
Plus de 40 ans plus tard, un professeur de français témoigne. Il me fait part du fait que la luminosité de mon regard et la vivacité de mon esprit en classe étaient pour lui une expérience de vie. Cela ne l’a pas empêché de me dire en troisième que : « Je ne saurai jamais écrire ».
Grande influence de Monsieur Mocozet professeur de gymnastique qui m’emmène aux championnats UGSEL de lancement du poids en catégorie benjamin. Vive la technique, j’étais 25% plus petit que la plupart des compétiteurs.
Début du sport d’équipe en football et première paire de chaussure à crampon de taille 34 et de marque Hungaria. Deux joueurs de l’équipe de 6ème deviendront professionnels. Rebora, le fils d’un pied noir marocain dont le père a joué avec Larbi Benbareck à ses débuts à Casablanca me donne un surnom qui m’assimile à ce génie du football. Je suis aux anges.
Découverte de la diversité de culture et de ressources des familles. Un élève n’a jamais mangé d’artichaut. On le laisse manger sans lui donner la notice ! Nous avons une douche par semaine en ville ou nous nous rendons en rang. Pour la seconde semaine, le pion doit préciser que l’on ne doit pas y déféquer.
Découverte de nouvelles formes d’interdits. Pour la sortie de « J’irais cracher sur vos tombes » en 1959, l’école nous parle d’amoralité. Découverte en parallèle de la pédophilie. Un surveillant vient palper les fesses des enfants dans le vestiaire du dortoir lorsqu’ils se mettent en pyjamas. Son éviction est actée une semaine après la révélation des faits.
Une vue du dortoir représentative mais il manque les lavabos.