L’éducation religieuse
L’éducation religieuse commence à la maison, où maman nous parle du Bon Dieu, de Jésus. Il y a un christ sur un mur de la cuisine. Elle me conduit à la messe avec elle. Moins souvent avec papa, mais toute la famille « fait ses Pâques ». Une identité se forge, un sentiment d’appartenance.
Je marche en tête de la procession des rogations et je répands des pétales de fleurs que je porte dans un petit panier devant moi soutenu par un beau ruban de satin blanc. J’ai participé à la cueillette la veille.
L’enseignement religieux se poursuit à l’école. Avant mes 10 ans, je n’ai que le souvenir de la préparation à la première communion à 7 ans. Je ne suis pas enfant de chœur, sauf une fois où je suis thuriféraire. Les choses se terminent mal, probablement incommodé par l’encens dont j’active la combustion sur commande du vicaire, je me trouve incommodé. On me transporte à la maison. Ma température est brusquement montée à plus de 40 °C. Concours de circonstances, le thermomètre à mercure se casse alors qu’il est en service. Le lendemain tout est rentré dans l’ordre. Le docteur ne saura pas nous dire ce qui m’est arrivé.
Au cours de la préparation, le chanoine Létiévant, un ancien militaire, me parle de Lyautey qui dit chaque jour un « je vous salue Marie ». Il me dit que c’est un grand homme. Je sens qu’il voudrait que je sois un grand homme.
Au cours complémentaire, nous avons des leçons de catéchisme. J’ai conservé deux carnets sur lequel je prenais des notes pour l’un à 11 ans pour l’autre à 13 ans.
J’en ai fait les premiers chapitres d’un ouvrage non publié à ce jour dont le titre est : « La révolution du sacré, incursions dans l’humanité du Christ ». Il est illustré de quelques-unes de mes peintures. Il peut d’ores et déjà servir de base pour des échanges.
À partir de cet ouvrage et des illustrations prélevées dans mes carnets, il est facilement démontrable que cette période et ces enseignements ont été déterminants dans la formation de ma conscience d’homme et dans celle de ma responsabilité personnelle.
Une lecture à la lettre ces enseignements serait aujourd’hui aussi ridicule qu’une lecture à la lettre de l’Ancien Testament ou de la Bhagavad-Gîtâ.
Et puis, il y a eu la rencontre avec Pierre Férot, Philippe Laillet et André Colombet, les trois prêtres de la paroisse de Bourg-les-Valence. Je dois à Pierre Férot d’avoir compris que la prière sans les œuvres conduit à rejoindre les cohortes de « sépulcres blanchis ». Je dois à Philippe Laillet la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de notre décision de créer la société IMAJE dans une perspective d’humanisation de l’entreprise. Le 21 novembre 1981, son homélie relative à la parabole des talents avait « fait mouche ».
Dans la mesure où la question de Dieu implique un acte de foi, ce qui est important est ce que l’on fait en son nom et il ne peut, pour celui qui croit ou pourrait pour celui qui ne croit pas, avoir d’autre exigence que de respecter l’homme et de lui penser un avenir en l’Homme.
Ce que j’ai fait de tous ces enseignements et de toutes ces expériences, après avoir également lu pratiquement l’ensemble d’une collection des maîtres spirituels de toutes obédiences chez Albin Michel tient dans ces quelques lignes tirées de « la révolution du sacré… » :
“Jésus-Christ pourrait-il rester signifiant si on se focalise sur sa dimension humaine sans la perspective de la dimension Humaine, cela même pour quoi il est sacralisé.
Autrement dit, comment serait-il possible de voir l’Humanité de celui qui suit Jésus à la lettre ne pas accéder à son état de Christ ?
Y aurait-il des restrictions, des quotas d’humains, en mesure de se projeter dans cette perspective ?
Évidemment que non, il ne peut y avoir de quotas en vertu même de son enseignement.
Pas de quotas signifie qu’il ne peut y avoir de peuple élu à l’intérieur de la Chrétienté.
Pas de quotas signifie qu’il ne peut y avoir de peuple élu à l’intérieur des religions du Verbe.
Pas de quotas à l’intérieur des religions du Verbe signifie qu’il ne peut y avoir de peuple élu à l’intérieur de toutes les religions et de toutes les spiritualités.
Pas de quotas à l’intérieur de toutes les religions et de toutes les spiritualités signifie qu’il ne peut y avoir de quotas également en dehors d’elles (agnostiques, athées).
« Il y a la Vie car tout ce qui n’a pas encore existé est déjà réalité ».
Les dogmes sont en deçà de ce qu’est la Vie, telle qu’elle est un mystère et telle qu’elle peut et doit être sacralisée car ce que la Vie a accompli, aucun dogme n’est capable de le produire. La Vie a produit des dogmes. Comme tout ce qui dépend d’elle, ils passeront. Il n’y a qu’elle qui ne passe pas.
Extrait de mon livret de Catéchisme de 1959.