Mes parents
Je me suis largement exprimé à leur sujet dans « Dis pépé raconte-nous une histoire de quand tu étais petit » et, quelques années plus tard de manière très personnelle dans « le souffle et le verbe » un ouvrage inspiré par 11 livres de Christian Bobin. Il ne serait pas approprié de se contenter à leur propos d’anecdotes. Mais cette forme d’expression peut pourtant être porteuse de facteurs de compréhension de ma relation à la famille.
J’ai passé mon brevet et mon certificat d’études primaires la même année.
Pour annoncer à mes parents le résultat de mon brevet depuis ma pension à Saint Louis à Bourg en Bresse, je leur avais écrit une lettre, à la plume sur un papier format A5. Sur le recto, je leur disais que j’avais échoué et j’avais laissé tomber une goutte d'eau sur le bas du texte. L’encre diluée avait produit une auréole qui laissait transparaître ma détresse. Au verso je leur disais qu’il n’en était rien ! J’avais réussi, tout comme le certificat d’études passé la même année. Mon père recevant le courrier du facteur en main propre décacheta immédiatement la lettre dont il avait identifié la provenance. Il fut tellement choqué par la première page qu’il en resta là et se précipitât dans les escaliers (nous logions au-dessus de l’atelier) pour donner la lettre à ma mère. Tel qu’elle me l’a relaté, il lui dit « tiens, regarde ce qu’a fait ton fils ! ». C’est dire qu’il n’assumait pas cet échec. Ma mère, plus réfléchie alla au bout de la missive et le confondit en lui disant « regarde ce qu’il a fait mon fils ! ».
Ce moment de vie dit deux choses.
La première est l’importance qu’avait mon engagement et ma réussite dans les études pour mes parents qui avaient tous deux les capacités pour faire des études supérieures.
La seconde, par la légèreté avec laquelle je prenais la chose, il est clair que je n’étais pas sous le coup d’une affreuse pression psychologique, puisque rien ne me disait que je ne serai pas à la hauteur.
En disant maintenant ce qui n’est pas anecdotique, je rends presque anecdotique tout le reste. Ce qui n’est pas anecdotique, c’est que si j’applique à notre relation la matrice du don élaborée dans D'homme à Homme, Essai sur le progrès, laquelle est au cœur de toute ma pensée, de tous mes sentiments et de toute mon éthique, tout ce qu’ils m’ont donné a été fait dans une liberté seulement affectée par des contingences économiques et dans un grand désintéressement. Ma propre attitude ne leur a jamais imposé de limite. Ils m’ont rempli d’amour et je connais la règle du contre don. Elle m’oblige.
Je consacre une page à ma maman lors d’un pèlerinage à Lourdes.
Jean et Claire vers 1950.